Selon nous, le principe n’est pas nouveau (voir l’article « La tendance jurisprudentielle à faire peser la charge de la preuve sur l’employeur »). Il s’agit donc plus d’une extension de jurisprudence que d’un véritable revirement.
Cependant, cette extension à l’obligation de sécurité de résultat doit être saluée.
Pour rappel, l’obligation de sécurité de résultat est une règle jurisprudentielle « découverte » en 2002 par la Cour de cassation dans le domaine des accidents du travail (Cass. Soc., 28 février 2002, n° 00-10051) qui s’est, ensuite, propagée en droit du travail (Cass. Soc., 29 juin 2005, n° 03-44412)
En droit du travail, cette obligation de sécurité de résultat engageait la responsabilité de l’employeur dès lors que le manquement à cette obligation était constaté et il ne pouvait s’en exonérer « qu’en démontrant que l’accident ou l’événement dénoncé est dû à une cause étrangère présentant le caractère de la force majeure, c’est-à-dire un caractère imprévisible, irrésistible, et extérieur à la personne qui l’invoque » (voir note sous Cass. Soc. 12 janvier 2011, n° 09-70838, in « Mensuel de droit du travail n° 17 – Janvier 2011 »).
La Cour de cassation vient de modifier cette jurisprudence (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24444) en décidant que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ».
Nous ne sommes pas expert en distinction obligation de résultat/obligation de moyen, mais il nous semble que cette décision opère un déplacement de l’objet de l’obligation de sécurité de résultat :
Auparavant, le résultat à atteindre était la non-réalisation d’un dommage (sauf force majeure). Désormais, le résultat à atteindre est l’application de toutes les règles édictées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Cette décision n’éteindra donc pas le contentieux de l’obligation de sécurité.
En effet, quelle entreprise conserve une preuve de l’accomplissement de TOUTES ces mesures, notamment des actions d’information et de formation (2° de l’article L. 4121-1 du code du travail) ?
Cependant, cette décision nous semble plus équilibrée et pragmatique.
- équilibrée : parce que la condamnation de l’employeur n’est plus quasi-automatique ;
- pragmatique : parce que le but est de forcer les entreprises à appliquer ces règles et d’en conserver la preuve.
Il s’agit d’un bon signal à l’attention des entreprises vertueuses qui désormais doivent seulement conserver des preuves. Quant aux autres, il s’agit d’une forte incitation à se mettre en conformité. Il faut dire que ces dernières avançaient, avec raison, qu’il ne servait à rien de mettre en place toutes ces mesures, puisqu’elles seraient de toute façon automatiquement condamnées.
L’autre apport qui nous apparaît intéressant est la propension de la Haute juridiction à assortir de sanctions automatiques les règles de droit qui lui semblent essentielles (voir « bref propos sur l’effectivité du droit du travail »).