« À quoi bon le code du travail ? Germinal, c’est fini ! »

Home  /  Brèves de couloir  /  « À quoi bon le code du travail ? Germinal, c’est fini ! »

On mars 1, 2013, Posted by , In Brèves de couloir, With Commentaires fermés sur « À quoi bon le code du travail ? Germinal, c’est fini ! »

Indifférence

La question peut, a priori, paraître pertinente.

C’est vrai, à quoi bon le droit du travail ?

La tertiarisation de l’économie française n’a t-elle pas abaissé le degré de conflictualité dans les entreprises ?

Les salariés ne sont-ils pas de plus en plus autonomes dans l’exécution de leur travail ?

D’éminents auteurs ont analysé les raisons, notamment historiques, philosophiques et juridiques, de la création du droit du travail [1].

Il n’est pas question ici de reprendre moins bien ce qui a été écrit magistralement ailleurs.

C’est pourquoi nous ne pouvons qu’inviter à la lecture de ces ouvrages et articles. Cependant, je sais bien que mes lecteurs sont tout aussi fainéants que moi…ou n’ont pas facilement accès à ces sources.

Alors je propose de réduire ces écrits à une simple phrase :

Tant que le travail salarié engendrera de la subordination, le droit devra continuer à protéger la partie faible au contrat.

Est-il besoin de rappeler :

  • Que le salarié a besoin de « gagner sa vie » [2] au risque parfois de la perdre ?
  • Que pour conserver son emploi, il devra souvent se plier aux décisions économiques de son employeur ou à l’arbitraire de son supérieur hiérarchique [3] ?
  • Que la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » [4] ne s’applique pas vraiment dans l’entreprise ?

D’ailleurs, René CAPITANT avait une formule lapidaire :

Puisque ni le consentement, ni l’égalité des parties ne sont totalement présents dans la relation de travail, « les salariés sont, pour cette raison, dans leur condition sociale, (…) exclus de la démocratie » [5].

Mais cette réponse de « juriste » ne satisfait pas la plupart des employeurs.

C’est pourquoi, afin de faire comprendre que le code du travail a toujours une utilité, il est préférable de partir de la législation relative à la protection physique et mentale des salariés.

S’il faut des lois pour imposer une telle protection (Voir l’article « Bref propos sur l’effectivité du droit du travail ») c’est bien que les employeurs ne le feraient pas forcément d’eux-même et qu’il faut, pour la plupart, les y contraindre.

En fait, le code du travail est la société telle qu’elle voudrait être, mais pas telle qu’elle est : nul besoin d’imposer par des lois ce qui serait dans l’ordre naturel des choses.

Encore faut-il que ces lois soient appliquées, mais ça, c’est une autre histoire (Voir l’article « Bref propos sur l’effectivité du droit du travail »).


Notes

[1] Lire notamment Alain Supiot, Pourquoi un droit du travail ? , Dr. soc. 1990, p. 485 ; Spiros Simitis, Le droit du travail a-t-il encore un avenir ? , Dr. soc. 1997, p. 655 ; Jacques Le Goff, « Du silence à la parole : une histoire du droit du travail des années 1830 à nos jours » ; Robert Castel, « Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat » ; Alain Supiot, « Critique du droit du travail ».

[2] Expression incompréhensible, pourquoi « gagner » une chose aussi précieuse, reçue gratuitement et qui nous appartient déjà ?

[3] Comme toujours il existe des exceptions, comme ces « salariés-dirigeants » qui trouveront facilement un autre emploi et ce quelles que soient leurs compétences…même nulles, mais la majorité des salariés n’ont pas cette chance.

[4] Lire Michel Borgetto, « La devise Liberté, Égalité, Fraternité », que sais-je ?, PUF.

[5] René CAPITANT, Ecrits constitutionnels, Editions du CNRS, 1982, p. 178.

Comments are closed.