Pourquoi ce site ?

Home  /  Antimanuel ?  /  Pourquoi ce site ?

On septembre 1, 2011, Posted by , In Antimanuel ?, With Commentaires fermés sur Pourquoi ce site ?

Directions Sophia

C’est vrai ça d’abord ! Pourquoi écrire ?

Pour les anxieux du « pourquoi/pour quoi ? », « où va-t-on ? », « dans quel état j’erre ? », voici l’explication de la présence de chaque rubrique.

Pourquoi une critique du droit social ?

Nous avons tendance à oublier que la législation sur la protection des salariés est une construction historique [1].

J’ajouterai que cette protection relève d’une certaine idéologie de la relation entre un dominant et un dominé ou, selon Jean-Baptiste Henri Lacordaire, entre « le fort et le faible » [2].

Une idéologie qui, certes, a triomphé puisqu’elle a acquis un statut légal, mais qui n’en reste pas moins une idéologie, c’est-à-dire un « ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe et qui oriente l’action ».

En conséquence, comme toute idéologie, non seulement elle peut, mais selon nous [3], elle doit, faire l’objet de critiques en vu de l’améliorer, de la légitimer ou de la remettre en cause.

Pourquoi des « brèves de couloir » ?

Juriste en droit social, je conseille depuis plus de 10 ans les employeurs et j’ai pu constater combien cette remise en cause par la plupart des employeurs était une entreprise sérieuse et relevait d’une volonté, affichée ou non, de voir cette protection disparaître.

Je répète « la plupart » des employeurs, pas tous.

En effet, il existe sûrement des « patrons de gauche », mais comme les poissons volants, « ils ne constituent pas la majorité du genre » : j’ai rarement rencontré un employeur qui ne vitupère pas contre cette protection ou qui m’appelle pour donner exactement ce que le code du travail lui impose.

Il reviendra à d’autres (sociologues, psychologues…) d’en rechercher la(les) cause(s) :

    • seuls les employeurs prêts à payer un conseil en droit du travail en ont une opinion défavorable ?
  • est-ce mon rôle de conseil qui m’attire ce genre de « confidences » ?

Peu importe, toujours est-il que j’ai la « chance » d’entendre tous les jours cette rhétorique patronale sur l’illégitimité de la protection des salariés.

J’ai donc trouvé intéressant de révéler le discours de ces dominants d’ordinaire exprimé « en off » [4] et rarement mis à jour [5]. Ce discours « off » est généralement plus abrupte et souvent en contradiction avec le discours plus lisse dispensé aux salariés dans le but, parfois avoué par certains partisans d’une « gestion des ressources humaines (sic) », de les manipuler [6]. Manipulation qui porte ses fruits puisque, à mon plus grand étonnement, ce discours est volontiers repris par les salariés.

Je tenterai donc ici de faire prendre conscience aux salariés (ou seulement à moi-même si ce site n’est jamais lu) du manque de consistance de certains arguments développés par les employeurs et aux employeurs assez intelligents pour se remettre en cause, que leur vision sévère du monde salarié relève souvent plutôt d’une méconnaissance totale de l’état de subordination dans lequel sont placés leurs salariés.

Pourquoi des fiches impertinentes ?

On ne peut pas dire qu’il existe une réelle volonté politique de rendre le droit du travail accessible aux salariés.

Pour preuve, alors que près de 88,4 % des personnes ayant un emploi sont salariées [7], le citoyen ne reçoit aucune information sur ses droits et devoirs de futur salarié durant toute sa scolarité. Sauf à entreprendre des études longues…voire très longues, puisque lors de mon cursus universitaire, cette matière n’était abordée qu’en troisième année (Bac + 3).

Comme il n’est pas trop tard pour bien faire, nous allons donc délivrer ce minimum de bagage culturel en tentant d’être le plus pragmatique possible et en synthétisant la législation.

Cependant qui dit synthétiser, dit interpréter et résumer selon un angle particulier. Cet angle particulier sera, le plus souvent, celui du salarié.

Mais en quoi ces fiches en deviendraient-elles pour autant « impertinentes » ?

Parce que nous voulons proposer une vision décalée, du moins bien éloignée de celle que l’on retrouve dans tous les manuels que nous avons pu consulter.

Bien entendu, ce n’est pas parce que je n’ai jamais vu de tels manuels qu’ils n’existent pas, mais il ne m’a jamais été donné d’en consulter qui soient aussi pragmatique que ceux à destination des employeurs.

En plus clair, lorsque la majorité des employeurs me consultent, c’est pour savoir comment ne pas appliquer le droit du travail ou, à tout le moins, comment l’appliquer au rabais.

Je sais bien que mon angle de description du droit du travail pourra paraître choquante, voire immorale, mais elle n’est malheureusement que le versant opposé de la vision de la plupart des dirigeants. J’espère, sans grand espoir, que ces derniers prendront conscience qu’ils devraient être tout aussi choqués de leur vision utilitariste du droit du travail.

Pour les aider, je rappelle pour les plus libéraux d’entre eux la citation du célèbre économiste John Maynard Keynes : « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes ».

En conclusion, ce site se veut un antimanuel de droit du travail, en ce sens qu’il tentera d’aborder cette matière en remettant en cause sa présentation habituelle.


Notes

[1] Pour aller plus loin, lire les ouvrages de référence sur le sujet notamment « Du silence à la parole : une histoire du droit du travail des années 1830 à nos jours » de Jacques Le Goff et « Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat » de Robert Castel.

[2] « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit », 52e Conférence de Notre-Dame, 1848.

[3] Il m’arrivera d’écrire « nous » au lieu de « moi » ou de « je ». Il ne s’agit pas du « nous de majesté », mais du « nous de modestie » : je n’ai pas la prétention de croire être le premier à avoir eu l’idée de ce que j’écris et citerai systématiquement mes sources quand je saurai à qui attribuer une pensée.

[4] Comme ils disent.

[5] Voir cependant, en 1978, le documentaire de Gérard Mordillat et Nicolas Philibert, « La voix de son maître ».

[6] Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le terme manipuler n’est pas péjoratif en soi. Se reporter à la littérature scientifique sur le sujet notamment la « psychologie de la manipulation et de la soumission » de Nicolas Guéguen et le « petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » de Beauvois et Joules.

[7] Une photographie du marché du travail en 2011, Joëlle Vidalenc et Loup Wolff, division Emploi, Insee.

Comments are closed.