L’employeur doit prouver qu’il respecte les repos et durées maximales prévus par le droit de l’Union européenne

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On octobre 21, 2012, Posted by , In Critique du droit social,Durée du travail, With Commentaires fermés sur L’employeur doit prouver qu’il respecte les repos et durées maximales prévus par le droit de l’Union européenne

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« J’en ai rêvé, la Cour de cassation l’a fait »

Dans un arrêt récent (Cass. Soc., 17 octobre 2012, n° 10-17370), la Cour de cassation a décidé que « les dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne, qui incombe à l’employeur ».

En plus clair, si les entreprises n’apportent pas la preuve de l’application de ces « seuils et plafonds », les salariés obtiendront des dommages et intérêts pour non-respect de ces règles.

Exit l’article L. 3171-4 du code du travail qui prévoit qu’en cas de litige relatif aux heures de travail effectuées, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur (voir article relatif à ce régime probatoire protégeant les employeurs).

Exit également l’article 1315 du code civil qui prévoit que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Bref, exit le droit interne.

Certes, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation s’affranchit du droit interne en s’inspirant librement du droit communautaire (voir ci-dessous), mais c’est la première fois, à notre connaissance, qu’elle use d’une formule aussi lapidaire.

Bien qu’il soit difficile de savoir quels sont les « seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne » visés par la Cour, il peut-être avancé qu’il s’agit a minima des règles édictées par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

Concrètement, il appartient exclusivement à l’employeur de prouver que les salariés ont bénéficié de :

  • 11 heures consécutives de repos « au cours de chaque période de vingt-quatre heures » (article 3 de la directive) ;
  • 20 minutes de pauses dès que « le temps de travail journalier est supérieur à six heures » (article 4 de la directive) ;
  • 24 heures de repos sans interruption « au cours de chaque période de sept jours », « auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier » (article 5 de la directive) ;
  • « d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines » (article 7 de la directive).

Et, d’autre part, que :

  • « la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires » (article 6 de la directive) ;
  • « le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures » (article 8 de la directive) ;
  • « les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d’une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit » (article 8 de la directive).

Selon nous, puisque la notion de « droit de l’Union européenne » peut être interprétée de manière extensive, la Cour pourrait rechercher de tels seuils et plafonds dans d’autres directives notamment la directive n° 94-33 du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail qui contient des dispositions sur la durée du travail, les périodes de repos journalier et hebdomadaire, les temps de pause au cours de la journée de travail et le travail de nuit.

Ce nouveau régime probatoire fait écho à d’autres arrêts qui préfiguraient sûrement cette nouvelle orientation.

Citons, par exemple, les arrêts relatifs :

Cette jurisprudence est donc une nouvelle pierre à l’édifice fragile que constitue la protection de la santé des salariés (sur le sujet, voir les articles « La Cour de cassation ne valide pas la majorité des forfait-jours » et « À quoi bon le code du travail ? Germinal c’est fini ! »).


Sources

L’arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 2012

La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003

La directive n° 94-33 du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail

 

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