Par paresse, je n’avais pas commenté un arrêt pourtant extrêmement important (Cass. Soc., 27 juin 2012, n° 10-21306).
Comme quoi « la paresse ne profite jamais » puisque l’actualité jurisprudentielle m’invite à revenir sur ce coup de force de la Cour de cassation.
Pour comprendre cet arrêt, un retour sur les faits s’impose.
Un travailleur de nuit (voir définition dans un prochain article) avait effectué sa faction de 22 heures à 6 heures 50. L’employeur lui fixa une visite médicale à 8 heures 30 puisque, selon lui, le salarié bénéficiait ensuite de 11 heures de repos (entre 9h30 et 22 heures).
La Cour de cassation invalide ce raisonnement en imposant que le repos de 11 heures consécutives soit pris juste après la fin du service du salarié, en l’occurrence à 6 heure 50.
La Haute juridiction aurait pu fonder sa décision sur le droit interne (I), mais a préféré faire à nouveau appel au droit communautaire et dégager un principe dont la logique nous semble plus claire depuis un arrêt plus récent (II).
I] Rappel du droit interne : le travailleur de nuit ne doit pas travailler plus de 8 heures
Selon l’article L. 3122-34 du code du travail, « la durée quotidienne du travail accompli par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures ».
Certes, il existe des dérogations possibles (articles R. 3122-9 à R. 3122-15 du code du travail), mais réaliser une visite médicale ne nous semble pas être un motif dérogatoire.
Il en résulte que la Cour de cassation aurait pu s’en tenir à juger que la durée maximale du travail n’avait pas été respectée.
Au lieu de cela, elle fait va faire appel à un principe non écrit en droit communautaire.
II] Interprétation du droit communautaire : le repos doit être pris dès la fin de service
Interprétant l’article L. 3131-1 du code du travail « à la lumière de la Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, modifiée par la Directive 2000/34/CE du 22 juin 2000 et remplacée par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 », la Cour de cassation estime que le repos de 11 heures consécutives doit prendre effet à la fin de service du travailleur de nuit.
Pourtant, ce principe n’est écrit nulle part, l’article 3 de la directive du 4 novembre 2003 prévoyant seulement que « tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives ».
La Cour de cassation s’émancipe ainsi de plus en plus du droit interne en interprétant le droit de l’Union européenne…quitte à s’éloigner de la lettre des textes sur lesquels elle prétend se fonder.
Il faut s’attendre à ce que certains commentateurs se plaignent de cette pirouette juridique.
Sources
L’arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 2012
La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003