Les ordonnances Macron réalisent une double rupture dans l’histoire du droit du travail : brutalité dans la méthode et éviction des salariés les plus pauvres du contentieux du travail.
Bienvenus dans l’ère du moins-disant social entre pays soi-disant développés.
Auparavant, le législateur utilisait la technique des petits pas : il retranchait patiemment, un à un, les droits des salariés de manière chirurgicale (voir la « flexibilité » des droits des salariés sur 30 ans).
La fable de la grenouille ébouillantée peut utilement représenter cette période.
Première rupture : le législateur ne s’embarrasse plus d’anesthésier la bête. Il lui arrache la peau puis l’éviscère encore consciente
Pour s’en convaincre, laissons de côté la forme (notamment faire croire que les citoyens ont été prévenus, alors que le programme présidentiel ne permettait pas de connaître le contenu concret de ces ordonnances) et attachons nous au fond.
Je ne ferai pas de liste exhaustive. J’ai déjà donné mon avis sur ce genre de liste. Je me concentrerai plutôt sur le nerf de la guerre : l’argent.
Comme nous l’avons précédemment démontré, si saisir les prud’hommes coûte plus cher que les sommes espérées, autant ne rien faire. Le fait d’instaurer des planchers assez bas (3 mois au lieu de 6) et des plafonds également bas et prévisibles pour les employeurs, rendra plus difficile l’accès au juge pour les salariés les plus pauvres (voir nos explications dans notre précédent article). Les plus riches pouvant toujours espérer obtenir un gain suffisamment important pour compenser le recours à un avocat.
Deuxième rupture : le législateur rend quasi-impossible l’accès au juge pour les salariés les plus pauvres
Cette éviction a déjà commencé avec l’instauration de la rupture conventionnelle et s’est poursuivie avec la loi Macron : les statistiques démontrant la baisse du nombre de saisines des conseils des prud’hommes. Pour les plus sceptiques, je conseille également de lire les 6 pages du document Cerfa de saisine des prud’hommes. Remplir ce document revient, en pratique, à rédiger des conclusions dès ce stade. Mission quasi-impossible pour un profane.
Les ordonnances ne font donc que parachever le but implicitement, mais nécessairement, poursuivi : abaisser le contentieux prud’homal. Si le but poursuivi pourrait paraître (dans une certaine mesure) acceptable, les moyens pour y parvenir sont scandaleux. Cette méthode pousse les salariés les plus pauvres à la résignation et incite les employeurs indélicats à ne plus craindre le procès (pour preuve, cet appel d’un employeur une semaine après la parution de ce barème légal).
Que dire à ces salariés ? Acceptez votre sort parce que la peur du juge n’existe plus ?
Troisième rupture, personnelle : ce blog est devenu anachronique
J’avais créé ce blog afin de venir en aide aux salariés les plus pauvres dans une perspective contentieuse. Une goutte d’eau. La législation du travail n’assurant plus la protection de ces salariés, cette goutte d’eau s’est évaporée.
Selon nous, le droit du travail est une composante des droits de l’Homme. Il devrait protéger les plus faibles dans l’entreprise. Rendre impossible l’accès au juge aux salariés les plus pauvres me fait dire que ces ordonnances marquent une césure idéologique et historique.
Ce sentiment de malaise est d’autant plus fort que, même si le salarié ose saisir un juge, il semble que les juges actuels de la Cour de cassation ont également décidé que les salariés sont trop bien protégés (voir article sur le sujet).